Sully (Saône-et-Loire) : un fer à béton sur une caténaire, ça ne vous rappelle rien ?


En 2008, des sabotages sur des voies SNCF donnent lieu à un déploiement de forces politico-judiciaires inédit contre « l’ultragauche anarcho-autonome », personnifiée par Julien Coupat et « le groupe de Tarnac ». Soupçonnées d’avoir voulu entraver la bonne marche des trains en posant des crochets sur des caténaires, dix personnes sont accusées d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, dans un dossier qui touche à sa conclusion au bout de six ans. Cette semaine, un ou plusieurs anonymes ont posé le même type d’objet sur une caténaire, et cet acte est passé quasiment inaperçu. L’enquête a été confiée aux gendarmes locaux. Question de contexte, sans doute.

Plainte de la SNCF

Lundi matin vers 6h30, un TGV Lyon-Paris passe dans la commune de Sully, au nord de la Saône-et-Loire. Surnommé « train-balai », il a pour mission d’assurer chaque matin « la reconnaissance de la voie à vitesse réduite (160 ou 170 km/h) pour vérifier qu’il n’y a pas d’obstacles sur la voie et que les infrastructures ferroviaires sont intactes ». Le conducteur note un problème de caténaire, le système qui permet l’alimentation électrique du train, situé 4 à 6 mètres au-dessus du sol.
Les équipes techniques de la SNCF « Infra » (pour « infrastructures ») sont envoyées sur place et constatent les dégâts : une centaine de mètres de caténaire a été arrachée au passage du train. Ils ne soupçonnent pas un acte intentionnel avant de découvrir sur le sol une pièce métallique usinée en forme de crochet, d’environ un kilo et une trentaine de centimètres.
L’histoire tourne au mauvais remake : c’est exactement le type d’objets retrouvés en 2008 dans une série de tentatives de sabotages sur le réseau français.
A Sully, l’objet a dû être posé dans la nuit, entre le passage du dernier train à 23h30 et le lundi matin. Puisque « l’acte de malveillance » contre ses infrastructures est avéré, la SNCF a déposé plainte. « La justice déterminera, après enquête, s’il s’agit de sabotages », se borne à commenter l’entreprise. En 2008, son patron avait réagi d’une manière plus virulente, en évoquant une série de dégradations visant des cibles « hautement symboliques » et affirmant que « la SNCF se sent aussi attaquée que ses clients dans ce genre d’affaires ».

Pas de qualification terroriste cette fois-ci

Suite à la plainte de la SNCF, le parquet de Châlons-sur-Saône a ouvert une enquête pour destruction de biens et mise en danger de la vie d’autrui. Contrairement à ce qu’a indiqué la presse locale, l’affaire n’est pas confiée aux magistrats antiterroristes parisiens, seuls compétents dans cette matière spécialisée.
Informée de l’incident, puisque le mode opératoire et le matériel rappellent les faits de 2008, la section antiterroriste du parquet de Paris n’a pas jugé utile de s’en saisir. « La qualification terroriste serait pour le moins prématurée », explique-t-on à la compagnie de gendarmerie d’Autun.
« Ce n’est pas non plus une bonbonne de gaz remplie de clous posée à côté des voies. »
Même la « mise en danger d’autrui » pourrait être abandonnée, suite à l’audition de techniciens de la SNCF par la brigade de recherches. Ils ont rappelé qu’un crochet posé sur une caténaire ne peut ni conduire à un déraillement, ni porter atteinte à la sécurité des voyageurs. Seule conséquence possible : une interruption du trafic pendant quelques heures et des retards.

Haut grillage et barbelés

Pour pénétrer sur les voies, entourées d’un haut grillage d’enceinte surmonté de barbelés, il faut tout de même faire preuve d’une certaine détermination. Le ou les auteurs ont sans doute préféré escalader un portique d’accès, non loin de l’endroit où a été retrouvé le crochet.
Encore faut-il correctement poser la pièce, sans pouvoir procéder par au-dessus faute de point haut près des voies, et sans créer d’arc électrique mortel de 25 000 volts. Les gendarmes penchent pour « l’utilisation de perches isolantes, comme celles qu’utilisent EDF ou la SNCF », pour hisser le crochet depuis les voies jusqu’à la caténaire.
Concernant la motivation de l’acte, ils « ’n’excluent aucune piste » pour le moment. Un acte politique ? Peut-être, mais sans aucune revendication à ce jour. Contrairement à 2008 où des antinucléaires allemands, justement, avaient envoyé une message à un quotidien pour en endosser la responsabilité. Par le passé, des crochets avaient déjà été utilisés en Allemagne pour bloquer des convois de matières dangereuses.
Il pourrait également s’agir d’une décision isolée, ou d’un sabotage « en interne », réalisé par un personnel de la SNCF ou de Réseau ferré de France.

Ni déclarations imprudentes, ni hystérie

Il ne semble pas que d’autres actions similaires aient été commises ailleurs en France. Le crochet retrouvé en Saône-et-Loire a été saisi et envoyé dans un laboratoire spécialisé pour chercher des traces d’empreintes ou d’ADN. Sans grande conviction, explique la gendarmerie, puisque « le choc électrique au passage du train a sans doute fait disparaître les traces ». L’enquête auprès des voisins et des chasseurs du coin « n’a pas donné grand-chose » non plus, l’accès à l’emprise SNCF se faisant par un petit chemin de terre isolé.
L’affaire, en tout cas, n’a entraîné pour l’instant ni des déclarations imprudentes, ni une hystérie collective. Cette fois-ci, les fers à béton n’obtiennent que l’attention qu’ils méritent. Ça change. Il faut croire que des leçons ont été tirées de l’épisode précédent.
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